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Remise du Prix Claude Lévi-Strauss
2009
à Dan Sperber
La première cérémonie de remise du Prix
national Claude Lévi-Strauss sest déroulée
le lundi 29 juin dans la Grande Salle des séances,
sous la présidence de Jean-Claude Casanova, président
de lAcadémie. Après une allocution douverture,
le président a passé la parole à Raymond
Boudon, membre de lAcadémie et président
du jury du Prix Claude Lévi-Strauss, qui a présenté
les critères qui ont guidé le jury dans son
choix. Le professeur Paolo Legrenzi, membre du jury, a ensuite
fait léloge du lauréat, Dan Sperber, chercheur
en sciences sociales et cognitives, auteur de nombreux articles
danthropologie, de linguistique, de philosophie et de
psychologie, avant que Valérie Pécresse, ministre
de lEnseignement supérieur et de la Recherche,
ne prononce une allocution et ne remette son diplôme
au lauréat. La cérémonie sest terminée
par les remerciements du lauréat. (À lire, en
marge de lévénement, une présentation
de luvre de Claude Lévi-Strauss par Dan
Sperber dans le supplément dominical du journal italien
Il Sole 24 Ore du 26 juin.)

Allocution
de Raymond Boudon
Président du jury du Prix Claude Lévi-Strauss
Madame le ministre, Monsieur le Chancelier, Monsieur le président,
Monsieur le secrétaire perpétuel, Mes chers
confrères, Mesdames, Messieurs,
Lorsque nous avons pris connaissance à lAcadémie
des sciences morales et politiques de votre décision,
Madame le Ministre, de fonder un prix national de sciences
humaines et de le placer sous légide de notre
illustre confrère Claude Lévi-Strauss, nous
avons, à lAcadémie même et, jen
suis sûr, dans de larges secteurs de la communauté
des sciences humaines, accueilli cette nouvelle avec gratitude.
En premier lieu, en raison des effets de stimulation et démulation
scientifique que, selon toute vraisemblance, ce prix devrait
entraîner.
Mais aussi parce que votre décision témoigne
de limportance que vous attachez vous-même, Madame
le Ministre, et que, à travers son Ministre de lenseignement
supérieur et de la recherche, le gouvernement, le Premier
ministre et le Président de la République attachent
aux sciences humaines, à leur développement,
à la préservation de leur qualité et
à laffirmation de la présence de la France
dans ce domaine essentiel de la connaissance.
Il serait en effet regrettable que notre pays ne conserve
pas le rang que lui ont acquis depuis longtemps dans ces disciplines
les grands noms de Montesquieu, de Tocqueville, de Cournot,
de Durkheim, de Walras et autres géants français
des sciences humaines du passé.
*
En même temps, je ne vous cacherai pas que, lorsque
lon ma fait lhonneur de me proposer de présider
le jury de ce nouveau prix, jai été pris
dune certaine inquiétude. Il en a été
de même, si jen crois certaines confidences, de
plusieurs membres du jury.
Allions-nous en effet, dans les délais très
brefs qui nous étaient impartis, réussir à
répandre de façon suffisamment large la nouvelle
de la création du prix dans la communauté scientifique
française ? Nous serait-il possible de résoudre
les problèmes pratiques soulevés par la dispersion
dans lespace des membres dun jury international ?
Surtout, allions-nous parvenir à une décision
qui serait considérée comme légitime
par la communauté scientifique, par delà tous
les clivages entre les disciplines et entre les approches
théoriques qui la caractérisent ?
En fait, grâce à lappui des autorités
de lAcadémie des sciences morales et politiques
et à lefficacité de son secrétaire
général, qui a su mobiliser avec virtuosité
les ressources offertes par Internet, le jury a pu sans trop
de difficultés maîtriser les problèmes
soulevés par la diffusion de la bonne nouvelle et contourner
les obstacles de léloignement, du décalage
horaire et des incompatibilités entre les agenda des
membres du jury.
Quant à nos inquiétudes concernant le fond,
elles ont été, elles aussi, rapidement dissipées.
*
Le règlement du prix prévoyait quun
dossier pouvait être pris en considération par
le jury, quil émanât soit du candidat lui-même,
soit de linitiative dun ou plusieurs tiers, ou
encore quil combinât acte de candidature et recommandation
par un ou plusieurs tiers.
Or, en dépit du bref délai qui a séparé
louverture de la clôture des candidatures, nous
avons eu la bonne surprise de recueillir une soixantaine de
candidatures, dont un nombre appréciable provenant
de chercheurs de haut niveau : professeurs des universités,
membres de lInstitut Universitaire de France, professeurs
au Collège de France, directeurs de recherche au CNRS
et directeurs détude à lEcole des
Hautes Etudes en Sciences Sociales.
Il sagissait ensuite pour le jury de constituer à
partir des candidatures recueillies une liste courte au sein
de laquelle serait choisi le lauréat. Le jury sest
accordé à cette étape sur une liste dune
dizaine de noms.
Conformément aux dispositions définissant le
prix, des rapports concernant chacun des candidats de la liste
courte ont alors été commandés à
des personnalités extérieures au jury. Ils sont
venus compléter linformation que les dossiers
de candidature et les lettres de recommandation offraient
aux membres du jury. Cest à partir de cet ensemble
de données que, au cours dune seconde session,
le jury a déterminé le nom du lauréat.
Quil me soit permis ici, au nom du jury dans son ensemble,
de remercier les rapporteurs extérieurs pour leur précieuse
collaboration.
*
Quelques brèves observations méritent dêtre
tirées de la première édition de ce prix
national de sciences humaines.
Tout dabord, nous avons été frappés
par la qualité dun très grand nombre de
dossiers. Très peu nous ont semblé sêtre
glissés indûment dans la pile dont nous avons
eu à connaître. Très peu nous ont paru
inspirés par la volonté de séduire plutôt
que dinstruire. Surtout, peu dentre ces dossiers
nous ont semblé motivés par les préoccupations
extrascientifiques qui, dans les trois ou quatre dernières
décennies du siècle dernier, avaient sévèrement
affecté plusieurs domaines des sciences humaines, ceux
par exemple traitant du crime, de léducation
ou de la réflexion sur la science.
Certes, on perçoit encore chez certains des candidats
formés dans cette période des traces de lidéologie
relativiste qui avait connu alors une influence notoire. Elle
invitait le chercheur en sciences humaines à sécarter
des règles usuelles de la pensée scientifique,
justifiant en fin de compte ainsi la confusion entre connaissance
et opinion. Comme la relevé un rapport récent
de notre Académie fondé sur les avis déminents
experts étrangers, linfluence que cette idéologie
a exercée hier sur lenseignement supérieur
se reflète aujourdhui dans les manuels
français de sciences économiques et sociales
à lusage du secondaire.
La plupart des dossiers dont nous avons été
saisis échappent heureusement à ces objections.
Ils nous ont paru témoigner au contraire dune
incontestable éthique scientifique : rigueur dans
largumentation et clarté dans lexpression,
volonté dadopter une démarche démonstrative,
collecte méthodique et respect des données factuelles
et, symptôme que je crois très significatif,
emploi du mot théorie au sens où il est
utilisé par toutes les sciences, et non au sens où
il était volontiers utilisé hier de vision subjective
du monde et de la société.
La grande majorité des dossiers nous ont en résumé
donné limpression dêtre guidés
par lobjectif dapporter une contribution authentique
à la connaissance : un signe à lévidence
très encourageant pour lavenir des sciences humaines
françaises.
Nous avons pu constater aussi que, si plusieurs candidats
faisaient lobjet, sans aucun doute possible, dune
reconnaissance nationale et internationale, des représentants
importants des sciences humaines françaises ne sétaient
pas portés candidats et navaient pas non plus
été proposés par des tiers. Pour les
raisons les plus diverses. Mais, dans certains cas sans doute,
parce quils navaient pas clairement perçu
que le prix concerne les sciences humaines dans leur ensemble,
de la philosophie à léconomie, en passant
par la sociologie, la linguistique, la psychologie, lhistoire
ou lanthropologie, et que tout chercheur peut prétendre
à être couronné, quels que soient son
ancrage disciplinaire et son orientation méthodologique
et théorique.
Ce qui était en effet exigé avant tout du lauréat
aux termes du règlement définissant le prix,
cest quil ait produit une uvre novatrice,
présentant un caractère méthodologique
prononcé, ouvrant de nouvelles approches ou proposant
des modes de pensée susceptibles de contribuer au progrès
de la connaissance.
Il était requis de surcroît du lauréat
que ses travaux illustrent la complémentarité
des sciences humaines en sinscrivant à des degrés
variables dans des disciplines connexes.
Car lhistoire des sciences humaines démontre
abondamment que bien des uvres majeures sont nées
dune inspiration tirée de plusieurs disciplines,
et aussi que la prétention de revendiquer lautarcie
dune discipline et a fortiori la prépondérance
dune discipline sur les autres a toujours abouti à
une impasse. Léconomisme a contribué à
lisolement de léconomie dans la famille
des sciences humaines ; le sociologisme a donné
naissance à des épisodes de stérilisation
de la sociologie ; dans ses formes intégristes,
lanthropologie a servi de caution à un relativisme
radical.
Ce critère de la pluridisciplinarité a conduit
le jury à écarter certaines candidatures de
valeur incontestable et reconnue, mais sinscrivant dans
un cadre strictement unidisciplinaire.
Le règlement du prix exigeait aussi que le dossier
comportât des signes incontestables de notoriété
internationale. Cest pourquoi nous avons attaché
de limportance aux invitations dans des universités
étrangères renommées et surtout aux distinctions
scientifiques internationales, comme lélection
dans telle ou telle académie étrangère
prestigieuse. Or, plusieurs de la soixantaine de dossiers
témoignaient dune reconnaissance nationale, mais
ne comportaient pas ou pas encore de signes
irrécusables de notoriété internationale.
Nous avons aussi noté cum grano salis que la
notoriété internationale peut ne pas impliquer
automatiquement la notoriété nationale. Ce paradoxe,
sur lequel il serait peut-être instructif de se pencher,
était illustré dans nos dossiers par le cas
dun chercheur jeune, auteur dune uvre novatrice,
peu connu en France même, mais qui a été
élu à lacademia europæa,
un signe de reconnaissance qui ne distingue quune petite
poignée de chercheurs français de sa discipline.
*
Pour conclure ces brèves observations, je voudrais
à nouveau, Madame le ministre, Monsieur le Chancelier,
Monsieur le président, Monsieur le secrétaire
perpétuel, Mes chers confrères, Mesdames, Messieurs,
souligner la bonne surprise qua été pour
tous les membres du jury la qualité générale
des dossiers et lattachement à lethos
scientifique dont nous ont semblé faire preuve le plus
grand nombre des candidats.
Quant au lauréat de cette première édition
du prix Claude Lévi-Strauss, ou, comme on dira peut-être
bientôt, du prix CLS, ce qui serait le signe dune
inscription durable du prix dans le paysage scientifique français
des sciences humaines, lanthropologue et sociologue
Dan Sperber, il nous a semblé illustrer cet attachement
à lethos scientifique de façon
exemplaire, tant par ses travaux relevant de lanthropologie
que par ses travaux relatifs à la sociologie des phénomènes
cognitifs. Il est lauteur de théories suffisamment
bien articulées et étayées pour que,
si lon est bien sûr en droit de les contester,
lon puisse aussi les soumettre à une discussion
méthodique.
Quil me permette de lui adresser les chaleureuses félicitations
du jury.
Mais cest à notre collègue en charge de
sa laudatio, le Professeur Paolo Legrenzi, quil
appartiendra dans un instant, après que le Ministre
lui aura remis le prix, den dire davantage sur lui.
Laudatio
de Monsieur Dan Sperber
par le Professeur Paolo Legrenzi, membre du jury
Dan Sperber, fils de lécrivain juif autrichien
Manès Sperber, est né en 1942, à Cagnes-sur-Mer,
donc en « Zone Sud » où la famille
était réfugiée pour fuir les persécutions
nazies.
Après des études de sociologie à Paris,
en particulier sous la direction de Georges Balandier, il
étudie lanthropologie à luniversité
dOxford sous la direction de Rodney Needham.
A son retour à Paris en 1965, il entre au CNRS à
lâge de 23 ans et y poursuit toute sa carrière
jusquà son éméritat en 2008.
Il y relève tour à tour des commissions chargées
de la sociologie, de la philosophie puis des sciences du langage.
Il fait de fréquent séjour comme chercheur ou
professeur invité dans des universités étrangères,
notamment à lUniversité de Cambridge,
à lInstitute of Advanced Studies à Princeton,
au département de philosophie de Princeton, aux départements
de psychologie, de philosophie et de droit de luniversité
du Michigan à Ann Arbor, au département de linguistique
de lUniversity College à Londres et au département
danthropologie de la London School of Economics, où
il est toujours Professeur invité.
Dan Sperber est un chercheur qui a une réputation internationale
dans au moins quatre disciplines : lanthropologie,
la philosophie, la linguistique, et la psychologie cognitive.
Outre quatre livres, abondamment traduits, il a publié
de très nombreux articles fréquemment cités
dans les grandes revues scientifiques internationales de ces
différents domaines.
Sa carrière scientifique commence en anthropologie.
Après des recherches de terrain chez les Dorzé
dÉthiopie méridionale, il sappuie
sur cette expérience pour entreprendre un travail plus
théorique.
La nouvelle théorie du symbolisme développée
par Sperber dans ses ouvrages : Le symbolisme en général
(1974) et Le savoir des anthropologues (1982) est une
véritable révolution dans lanthropologie
de lépoque où lopposition à
ce quon appelle le « réductionnisme
psychologique » fait figure de dogme.
Sperber, lui, recherche les fondements de lactivité
symbolique culturelle non plus seulement dans des relations
sociales ou dans des formes structurales abstraites, mais
avant tout dans les mécanismes psychologiques eux-mêmes.
Plus quune intention, une conviction soutient tous ses
travaux, à savoir quil est possible de concilier
les sciences de la nature et les sciences de lhomme,
en sappliquant à létude conjointe
du mental et du culturel.
Ce parti pris scientifique sest avéré
fécond, puisque il a conduit Dan Sperber à développer
des théories originales dans le domaine de la cognition
et de la communication.
Quelles sont les bases de la communication humaine ?
Selon une vision traditionnelle, les êtres humains utilisent
le langage pour encoder leur pensée.
La réponse donnée par Dan Sperber en collaboration
avec la linguiste britannique Deirdre Wilson est différente :
l'information que l'on communique n'est que très partiellement
codée et les mécanismes que la communication
active sont des mécanismes d'inférence et de
raisonnement autant et plus que de codage et décodage.
En utilisant cette perspective cognitive, connue comme « Théorie
de la Pertinence », Dan Sperber et Deirdre Wilson
ont produit une importante contribution théorique ainsi
quempirique à l'étude de la pensée
humaine et du langage, et notamment des mécanismes
dinterprétation et de signification.
Cette contribution a inspiré des recherches novatrices
dans de nombreux domaines : psychologie du raisonnement,
linguistique, philosophie du langage, théorie littéraire.
Les résultats de ces travaux sur les bases cognitives
de la communication humaine ont aussi permis à Dan
Sperber de développer une importante ligne de recherches
sur la diffusion collective des représentations mentales :
lépidémiologie culturelle.
Une population humaine, un groupe social pris dans son environnement
est habité par une population beaucoup plus nombreuse
de représentations mentales et publiques.
Chaque membre du groupe a dans son cerveau des millions de
représentations mentales, certaines éphémères,
dautres conservées dans la mémoire à
long terme. Certaines sont communiquées aux autres.
Parmi les représentations communiquées, certaines
le sont dune façon répétée,
et peuvent même finir par être distribuées
dans le groupe entier.
Si certaines idées se répandent au point de
devenir partagées socialement cest, en particulier,
parce quelles sancrent dans les capacités
cognitives et communicatives humaines.
Les processus psychologiques et communicationnels jouent un
rôle de filtre et de contrainte dans la stabilisation
des représentations à lintérieur
des individus et du groupe social.
Cette approche a permis à Sperber darticuler
les microprocessus individuels et interindividuels et les
macro-processus sociaux, sans ignorer la complexité
et la spécificité des uns et des autres.
Cest larticulation dune conception naturaliste
de la cognition et de la communication humaine avec la volonté
de préserver et denrichir lhéritage
des sciences humaines et sociales qui ouvre sur une intégration
féconde et non-réductionniste, sinon de ces
disciplines elles-mêmes, du moins de grands programmes
de recherche qui en relèvent.
Dan Sperber a apporté une contribution majeure dans
toutes les disciplines dans lesquelles il a travaillé.
Leur effet combiné nous permet de conclure quil
sagit dun des plus éminents chercheurs
du monde des sciences sociales et cognitives, dont luvre
ambitieuse anticipe les enjeux majeurs de ces disciplines.
Intervention
de Valérie Pécresse
Ministre de l'Ensignement supérieur et de la Recherche
Monsieur le Chancelier,
Monsieur le Secrétaire Perpétuel,
Monsieur le Président,
Monsieur le Professeur, cher Raymond Boudon,
Mesdames et Messieurs les membres du Jury,
Mesdames et Messieurs,
« Comment prévoir les résultats des
élections ? Mieux enseigner les mathématiques ?
Aider les enfants dyslexiques ? Se remettre dun
traumatisme psychique ? Mieux faire fonctionner le capitalisme ?
Combattre le capitalisme ? Faire reculer lalcoolisme ?
Améliorer la vie dans les cités ?
Pour des raisons institutionnelles autant quintellectuelles,
les sciences humaines regroupent un ensemble disparate de
programmes de recherche aux ambitions très diverses.
Certains répondent à des demandes pratiques ;
dautres en histoire ou en ethnographie par exemple
- ne répondent pas à une demande daide,
en tout cas pas directement mais à une exigence
dinterprétation, à un désir de
mieux se comprendre soi-même et mieux comprendre les
autres. »
Voilà, cher Dan Sperber, votre définition
des Sciences humaines. Je me permets de vous citer parce quil
me semble que vous exprimez là parfaitement,
toute la force humaine, sociale, culturelle et politique que
donne à chaque civilisation sa capacité à
se regarder, à se penser, à simaginer.
Vous, lexplorateur de la pensée humaine,
navigant entre psychologie cognitive, philosophie, anthropologie
et linguistique, vous vous êtes fixé ce cap :
mieux se comprendre et mieux comprendre les autres, la terre
promise à tous les chercheurs dhumanité.
Je ne rappellerai pas limportance de vos travaux. Vos
pairs lont fait pour moi et le Professeur Paolo Legrenzi
vient de rappeler quelles voies décisives vous
avez ouvertes dans le champ, encore si largement en friche,
des sciences cognitives.
Votre entreprise délucidation de la pensée
vous conduit à questionner, à contester parfois
lordre scientifique établi.
Vous flirtez avec les sciences de la nature, revendiquez
dancrer la pensée dans la matière,
placez résolument votre travail aux confins dun
horizon à conquérir, par delà les disciplines.
Vous êtes un iconoclaste. Mais nest-ce pas le
propre des bons chercheurs ?
Vous connaissez sans doute ce mot de Winicott qui disait « Pour
faire de la recherche, il faut avoir des idées. Il
y a une orientation subjective dans linvestigation ».
Eh bien ce sont ces idées, ce sont vos idées,
cher Dan Sperber, qui vous valent la reconnaissance de vos
pairs aujourdhui.
Je veux saluer la qualité et la disponibilité
des membres du Jury qui vous ont désigné parmi
une soixantaine de candidats plus remarquables les uns que
les autres et dont beaucoup sont là auprès de
vous pour saluer votre travail.
Sous les auspices bienveillants de lacadémie
des Sciences morales et politiques, le Président de
Jury, le Professeur Raymond Boudon, a relevé le défi
dun calendrier très contraint. Je len remercie.
Il fallait toute son autorité morale et scientifique
pour mener à bien la première édition
de ce concours dont le bon déroulement engageait la
communauté scientifique toute entière.
Car aujourdhui nous honorons une uvre scientifique
et son auteur, mais au fond cest lensemble
des sciences humaines et sociales que nous fêtons.
Et cest dailleurs ainsi que jai présenté
les choses à Claude Lévi-Strauss lorsqu
il y a presque 10 mois, je lui ai fait part de mon souhait
de créer un Prix qui porte son nom.
En cet instant, je pense à lui, à limmense
homme de science quil est bien sûr mais
aussi à sa générosité et à
la simplicité avec laquelle il accueilli cette
idée de créer un prix national en lhonneur
des Humanités et des Sciences sociales.
Je salue la présence son fils, Monsieur Laurent Lévi-Strauss
qui nous fait lamitié de sa présence.
Mesdames et Messieurs, je suis déterminée à
ce que nos Sciences Humaines et sociales françaises,
dont la qualité est reconnue partout dans le monde,
aient voix au chapitre dans le concert de la recherche
française.
Lexcellence nest pas le privilège
des physiciens, des médecins ou des mathématiciens.
Elle existe dans luvre dhistoriens, de sociologues,
de linguistes ou de psychologues, qui font avancer la connaissance
de lHomme.
Cest pourquoi, jai souhaité que ce nom
de Lévi-Strauss, mondialement connu, symbolise
désormais la reconnaissance du travail des hommes et
des femmes qui poursuivent son uvre, ici dans notre
pays.
La France est riche dun patrimoine intellectuel et dun
potentiel scientifique exceptionnels. Cette richesse
doit rester vivante, sanimer aux sources de
léchange et du débat qui, aujourdhui,
est international.
Cest le sens de ce prix Claude Lévi-Strauss
dont la qualité des lauréats fera la réputation
et cest le sens de mon souhait de voir naître
au Nord de Paris un grand campus de sciences humaines et sociales
qui rassemble les meilleures équipes de recherche du
pays.
Le campus Condorcet sera, demain, le cur de lexcellence
française dans le domaine des humanités
et des sciences sociales. Les projets scientifiques les plus
innovants et les plus ambitieux sy déploieront
dans des conditions dignes daccueillir les meilleurs
chercheurs et étudiants du monde entier.
Jai une ambition pour les Sciences humaines et les Sciences
sociales de notre pays ; une ambition simple :
quelles retrouvent une légitimité et
une dignité sociale, quun monde consumériste
et technologique, tend parfois à leur contester.
Il en va de notre santé morale, culturelle et démocratique.
Il en va de notre capacité collective à assumer
le cheminement qui conduit lhumanité vers les
horizons toujours repoussés de la connaissance
scientifique.
Les héritiers de Lévi-Strauss, de Braudel, de
le Goff
de Sperber maintenant, doivent pouvoir trouver
dans notre pays les conditions du rayonnement de leur
pensée.
Ils doivent pouvoir être fiers de leur engagement,
et trouver auprès deux des étudiants confiants
dans leur avenir.
Nous ne pouvons pas nous exonérer dune réflexion
de fond sur la place des Humanités et des Sciences
sociales dans notre pays.
La crise qui a traversé le monde universitaire ces
derniers mois a frappé plus durement, une fois encore,
les filières de Sciences Humaines et sociales, toujours
plus fragiles et plus inquiètes que les autres.
Nous devons lutter contre cette fragilité et
combattre ces inquiétudes, en bâtissant avec
la communauté universitaire un projet pour les Humanités
et les Sciences Sociales.
Cest pourquoi jai décidé dinstaller
auprès de moi, un conseil pour le développement
des Humanités et des Sciences sociales.
Présidé par Madame Marie Claude Maurel
qui est là parmi nous aujourdhui ce conseil,
composé de personnalités scientifiques éminentes
quéclairera lavis de quelques représentants
de la société dite civile, aura pour mission
de définir les principes dune véritable
stratégie scientifique et pédagogique pour
les sciences humaines et sociales.
Tous les pays développés fondent leur développement
économique, social et culturel sur une pensée
réflexive et sur leur intelligence du monde
contemporain.
Partout dans le monde, des diplômés de sciences
humaines et sociales sont recrutés pour leur connaissance
des langues, leur esprit critique, leur capacité à
comprendre et à dénouer les complexités
sociales et les mystères de lâme humaine.
Pour
la jeunesse de notre pays, cest le projet que je
veux bâtir sur le socle de notre excellence académique.
Ce prix Claude Lévi-Strauss porte lespoir, que
la France sera, demain comme hier, demain mieux quhier,
le creuset dune pensée vivante et fière
delle-même.
Dan Sperber, je suis très heureuse de vous remettre
ce premier Prix Claude Lévi-Strauss.
Allocution
de Dan Sperber,
Lauréat du Prix Claude Lévi-Strauss 2009
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de l'Académie,
Monsieur le Chancelier de l'Institut de France,
Messieurs les Secrétaires perpétuels,
Mesdames et Messieurs les académiciens,
Mesdames, Messieurs,
Cest un grand honneur, et un grand plaisir aussi, dêtre
le premier lauréat du Prix Claude Lévi-Strauss.
Jexprime ici ma profonde reconnaissance à vous
Madame la Ministre qui avez créé ce prix et
qui me le remettez en personne, et aux membres du jury international
qui men ont jugé digne. De tout cur, merci !
Le travail pour lequel vous mhonorez est, comme tout
travail scientifique, une uvre collective. Il doit beaucoup
au laboratoire auquel jappartiens, lInstitut Jean
Nicod de lEcole Normale Supérieure et de lEHESS,
et à léquipe de doctorants et de jeunes
chercheurs dont jai tant appris en mefforçant
de leur apprendre quelque chose. Près de la moitié
de mes écrits est issue de collaborations, avec mes
étudiants, avec des collègues, et, avant tout,
avec Deirdre Wilson, Professeur de linguistique à lUniversity
College de Londres. Merci à eux tous.
Aux sentiments de reconnaissance que jéprouve
se mêle une émotion plus profonde. Ce prix a
été créé en hommage à Claude
Lévi-Strauss et il porte son nom. Or je lui dois tant !
Que lhonneur qui mest fait contribue à
lhommage qui lui est rendu, voilà qui me comble,
et qui avive le souvenir de mes rencontres, avec luvre
puis avec lhomme.
Je me souviens, adolescent, davoir été
captivé par Tristes Tropiques et par cette façon
si distante et si pénétrante à la fois
de considérer le monde. Je me souviens de la fascination
intellectuelle éprouvée à la lecture
dAnthropologie Structurale, recommandé
par un camarade de la Sorbonne (nos professeurs, eux, ne nous
incitaient guère à lire Lévi-Strauss).
Mes intérêts, cependant, étaient ailleurs.
Cétait lépoque de la guerre dAlgérie
et de lémergence du Tiers-Monde. Je voulais mieux
comprendre lhistoire que nous vivions. Cest Georges
Balandier, anthropologue du monde en devenir, qui ma,
le premier, fait apprécier la richesse de lanthropologie.
Puis à Oxford, où jai eu la chance de
poursuivre mes études, ce furent Godfrey Lienhardt
et Rodney Needham.
Lecteur avide de toutes les nouvelles publications de Lévi-Strauss,
je devins, à mon retour à Paris en 1965, un
auditeur assidu de son séminaire où tant de
jeunes anthropologues soumettaient leurs travaux aux critiques
acérées mais bienveillantes du maître.
Ce séminaire, nous étions nombreux à
lattendre chaque semaine, à en poursuivre la
discussion dans les heures et les jours qui suivaient. En
1968, je publiai un essai critique sur le structuralisme en
anthropologie. Lévi-Strauss minvita alors à
en présenter la substance lors de trois séances
de son séminaire. Je me souviens de sa patience, de
ses impatiences aussi, et de ses encouragements.
Claude Lévi-Strauss a attiré à lanthropologie
plusieurs générations de brillants étudiants,
qui, sans lui, se seraient dirigés vers la philosophie,
lhistoire ou la sociologie. Ils sont devenus pour la
plupart de remarquables chercheurs de terrain. Grâce
à eux, lanthropologie française est aujourdhui
au meilleur niveau mondial. Rares parmi eux sont ceux qui,
comme Maurice Godelier, Françoise Héritier ou
Philippe Descola, ont consacré une part importante
de leur travail à la théorie anthropologique.
Il est vrai que luvre théorique de Lévi-Strauss
avait de quoi intimider. Pour ma part, témérité
ou présomption, cest de Lévi-Strauss le
théoricien que jai voulu être lémule.
Il y a quelque cinquante ans commençait vraiment ce
quon a pu appeler la « révolution
cognitive », c'est-à-dire une démarche
consistant à étudier les phénomènes
mentaux comme des phénomènes naturels, démarche
fondée sur les mêmes théories mathématiques
qui ont permis le développement des ordinateurs, démarche
extraordinairement enrichie depuis par le progrès des
neurosciences. La révolution cognitive permettait de
repenser les rapports entre sciences sociales et sciences
psychologiques on parlerait bientôt de « sciences
cognitives » de façon nouvelle et
féconde, et de développer, à la jonction
de ces disciplines, un programme de recherche naturaliste
qui reconnaisse à la fois la place du
mental dans le social et celle du social dans le mental. Jy
ai consacré jusquici lessentiel de ma vie
de chercheur, travaillant comme anthropologue, comme psychologue,
comme linguiste ou comme philosophe avec un projet unique,
ambitieux et, je lespère cohérent. Cest
à Lévi-Strauss que je dois, pour une bonne part,
ce projet et cette ambition. Certes, Lévi-Strauss est
dabord connu comme théoricien du structuralisme,
mais cest son naturalisme sa volonté toujours
réaffirmée de lier létude de la
culture et de la société à celle de lesprit
humain et à celle de la nature qui ma
inspiré.
La création du Prix Claude Lévi-Strauss ne répond
pas seulement, je crois, au désir de rendre hommage
au maître exceptionnel et dhonorer les chercheurs
que le jury du prix aura distingués. « Il
a pour vocation », avez-vous déclaré,
Madame la Ministre, « de reconnaître et de
soutenir l'excellence dans le domaine des sciences humaines
et sociales ». Cette volonté de reconnaissance
et de soutien se manifeste non seulement par la création
de ce prix, mais aussi et de façon bien plus
importante par un ensemble de réformes de la
recherche et de lenseignement supérieur qui nous
concernent tous. Ce nest ni le moment ni le lieu pour
évoquer les espérances et les inquiétudes
que font naître ces réformes. Je voudrais plutôt,
mappuyant sur la lecture de Lévi-Strauss dune
part, sur mon expérience de lautre, enrichir
mes remerciements de quelques réflexions sur ce que
peut être lexcellence en nos domaines, et sur
les façons dont on peut la reconnaître et la
soutenir.
Dans un texte de 1964 intitulé « Critères
scientifiques dans les disciplines sociales et humaines »,
Lévi-Strauss tançait les pouvoirs publics de
lépoque, plus prompts à témoigner
de leur bienveillance à légard de ces
disciplines quà leur donner les moyens dexister.
Aux chercheurs, il reprochait daffirmer le caractère
scientifique de leurs disciplines sans bien réfléchir
aux exigences quune telle affirmation comporte.
Il écrivait : « Il ny a pas dun
côté les sciences exactes et naturelles, dun
autre côté les sciences sociales et humaines.
Il y a deux approches, dont une seule est scientifique par
son esprit : celle des sciences exactes et naturelles
qui étudient le monde, et dont les sciences humaines
cherchent à sinspirer quand elles étudient
lhomme en tant quil est du monde. »
Entendez, en tant quil est du monde naturel
« Lautre approche quillustrent les
sciences sociales, » et Lévi-Strauss
désigne par là les disciplines qui abordent
les problèmes contemporains et aident à les
traiter « Lautre approche »,
donc, « met sans doute en uvre des techniques
empruntées aux sciences exactes et naturelles ;
mais les rapports quelles nouent avec ces dernières
sont extrinsèques et non intrinsèques. Vis-à-vis
des sciences exactes et naturelles, les sciences sociales
sont en position de clientes, alors que les sciences humaines
aspirent à devenir des disciples. »
Tout en dénonçant je cite « lunité
factice des sciences sociales et humaines », Lévi-Strauss
insiste, et cest important, sur la légitimité
des unes et des autres. Or, aujourdhui, mettre en question
le caractère de science dune discipline, cest
en contester la légitimité. Quils soient
ou non des « scientifiques » sur le modèle
des sciences naturelles, les praticiens de nos disciplines
sont tous des chercheurs et des savants. Ils mettent en uvre
de riches compétences pour aborder des questions particulièrement
ardues. Donc, employant « science »
dans un sens large, jaffirme le caractère de
science de toutes nos disciplines.
Je voudrais en outre aller au-delà de la dichotomie
entre sciences sociales et sciences humaines que propose Lévi-Strauss,
et adopter un point de vue résolument pluraliste. Nos
disciplines sont composées dun ensemble de programmes
de recherche autonomes qui répondent à des interrogations
de diverses origines. Bien des recherches, en économie
ou en sociologie par exemple, répondent à des
demandes émanant dinstitutions ou de la société
civile et elles visent à guider laction. Dautres
recherches, en histoire ou en littérature par exemple,
répondent à un besoin dintelligibilité,
au désir de mieux comprendre nos identités individuelles
et collectives. Dautres encore, en droit ou en philosophie
par exemple, cherchent à éclairer les fondements
et les conséquences des normes qui régissent
nos interactions. Les demandes auxquelles ces recherches répondent
sont historiquement et géographiquement situées
et cest de cette situation quelles tirent
leur pertinence et leur richesse. Dautres programmes
sont mus moins par une demande externe que par le mouvement
interne de la recherche. Limportance des questions ne
sy mesure pas à leurs conséquences sociales
ou culturelles mais à la possibilité dy
répondre dune façon qui fasse avancer
la connaissance. Certes cest une banalité
, ces programmes sont eux aussi historiquement situés,
mais leur pertinence est dautant plus grande quelle
est moins locale.
Pour donner quelques exemples plus concrets, telle recherche
en histoire de France sadresse dabord à
un public français ; telle recherche sur des problèmes
sociaux actuels sadresse dabord aux acteurs sociaux
concernés ; telle recherche desthétique
vise un lectorat sans doute international mais dont les préoccupations
ne sont pas pour autant scientifiques. Si elles sont exemplaires,
ces recherches trouveront un écho dans la communauté
scientifique internationale, mais telle nest pas leur
finalité première ni le critère selon
lequel il convient de les évaluer. Dautres recherches,
en revanche, comme par exemple celles que je mène,
sadressent dabord et avant tout à cette
communauté scientifique. Mes collègues de lInstitut
Nicod et moi acceptons volontiers lutilisation dinstruments
bibliométriques dévaluation, communs dans
les sciences naturelles, et mesurant le nombre et limpact
des publications dans les revues internationales. Ces mêmes
instruments ont une pertinence bien moindre pour évaluer
des recherches dautres types qui ne sont pas moins légitimes
que les nôtres.
En dépit de leur diversité ces programmes de
recherche autonomes qui ensemble constituent les sciences
humaines et sociales ont vocation à collaborer les
uns avec les autres, et pour certains dentre eux
dont ceux qui me tiennent le plus à cur
à collaborer aussi avec des programmes de recherche
dans les sciences naturelles.
Programmes autonomes, frontières disciplinaires floues,
critères dévaluation variables : je conçois
le casse-tête que peut représenter une politique
de reconnaissance et de soutien de lexcellence dans
le domaine des sciences humaines et sociales. Déjà,
sagissant de lélément symbolique
de cette politique quest le prix Claude Lévi-Strauss,
jimagine que la tâche du jury naura pas
été facile. Je ne suis pas, je le sais bien,
« le meilleur chercheur en sciences humaines et
sociales en activité travaillant en France »
dont parlait le communiqué de presse annonçant
la création du prix. Non pas que le jury se soit trompé
de lauréat enfin, je lespère ,
mais parce que cette expression, qui évoque la compétition
sportive, na guère de sens dans les sciences
en général et dans nos disciplines en particulier
où les façons dexceller sont si diverses.
Si jai pu mener les recherches qui me valent aujourdhui
cette distinction, cest dabord grâce au
CNRS, où jai poursuivi toute ma carrière.
Le CNRS ma donné une liberté sans laquelle
je naurais pas pu sortir ausi résolument des
sentiers battus, passer dune discipline à lautre
et prendre généralement le risque de me tromper.
Cette liberté, linstitution me la donnée
en ayant à mon égard, comme à celui de
la plupart de ses chercheurs, une attitude de négligence
bienveillante. A cette bienveillance, cependant, se substituait
trop souvent une attitude tatillonne, voire soupçonneuse,
devant toute demande de moyens institutionnels ou matériels.
Je naurais trouvé ni mauvais ni injuste quon
attendît plus de moi et quon me donnât plus
de moyens. Cependant, quelle chance cela a été
pour tant dentre nous dêtre au CNRS, et
combien cela nous a incités à donner le meilleur
de nous-mêmes ! A bien des égards, la vie
de chercheur sest dégradée. Je pense en
particulier a mes étudiants qui, après huit
ou dix années détudes, et des années
de post-doc, ne sont pas moins passionnés par la recherche
et sont bien plus qualifiés que je ne létais
quand je suis entré au CNRS. Ils risquent pourtant,
sils ne veulent pas sexpatrier, de rester pendant
des années, comme tant dautres jeunes chercheurs,
dans une dure précarité.
Jai lespoir que nos excellents jeunes chercheurs
bénéficient, comme jen ai bénéficié,
de conditions demploi et de travail qui leur permettent
de donner le meilleur deux-mêmes. Je voudrais,
pour conclure, associer ma profonde reconnaissance pour un
prix qui honore un travail largement accompli à cet
espoir en lavenir de la recherche et des chercheurs.
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