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Raymond Boudon
QUE SIGNIFIE
DONNER LE POUVOIR AU PEUPLE ?
séance du lundi 27 septembre 2010
Ce sont les sciences sociales du temps des Lumières
qui ont forgé les outils conceptuels de base permettant
de comprendre que l’idée de donner le pouvoir
au peuple dans une démocratie représentative,
loin d’être utopique, repose sur des fondements
solides et par là d’expliquer que cette idée
se soit largement imposée.
Elle s’est même si largement imposée que
les régimes despotiques eux-mêmes se croient
aujourd’hui obligés de se présenter comme
fidèles aux principes de la démocratie représentative,
procèdent à des élections, quitte à
en truquer les résultats, et installent des parlements,
quitte à les priver de tout pouvoir.
Le principe du spectateur impartial
Pourquoi les penseurs politiques du temps
des Lumières et leurs successeurs des siècles
suivants voient-ils le principe fondamental de la souveraineté
du peuple comme applicable, non pas seulement en théorie
mais en pratique dans un régime de démocratie
représentative ?
On réduit quelquefois la théorie libérale
de la démocratie développée par les penseurs
des Lumières à la thèse de Montesquieu
selon laquelle la distribution des pouvoirs ou des
puissances, comme il disait lui-même, ou la séparation
des pouvoirs, comme on a pris l’habitude de dire
plutôt, est un bouclier contre le risque de despotisme.
Toute fondamentale qu’elle est, cette thèse définit
la démocratie de façon négative.
Mais les sciences sociales du temps des Lumières ont
également développé une définition
positive de la démocratie représentative.
Cette définition positive est fondée sur l’idée
que la démocratie représentative confère
au public un pouvoir décisif d’arbitrage.
Je pense ici particulièrement à la notion du
spectateur impartial d’Adam Smith. Elle est un
outil indispensable à l’explication d’innombrables
phénomènes politiques et sociaux, comme je tenterai
de le montrer par quelques exemples. Plus. Elle me paraît
fournir la clé de la solidité de la démocratie
représentative.
Témoigne de la force intrinsèque de la notion
du spectateur impartial le fait qu’on en repère
des équivalents de manière récurrente,
du XVIIIe siècle à nos jours, dans des déclinaisons
et sous des habillages variés : chez Hume, chez
Rousseau ou chez Kant parmi les auteurs classiques, chez John
Rawls, Michael Walzer, Jürgen Habermas, Stein Ringen
et chez d’autres encore parmi les auteurs contemporains.
Mais c’est peut-être, à mon sens, chez Adam
Smith que sa puissance apparaît avec le plus de netteté.
On peut développer la notion du spectateur impartial
sous la forme d’une théorie simple : le spectateur
impartial, c’est le citoyen quelconque dont on peut supposer
que, sur telle ou telle question, il échappe à
ses passions et à ses intérêts. Or, sur
bien des sujets émaillant la vie de la Cité,
le citoyen quelconque est effectivement dans la position du
spectateur impartial. D’autre part, bien des sujets n’impliquent
pas la maîtrise de connaissances particulières.
On peut donc supposer que, si l’on consulte le public
sur ces sujets, nombre d’individus tendront à
donner une réponse inspirée par le bon sens.
S’ajoute l’argument que, dans une démocratie
représentative, le représentant est placé
sous le regard de l’opinion publique et menacé
par la sanction dont elle dispose : l’écarter
du pouvoir à la prochaine élection.
L’on en conclut que la démocratie représentative
est bonne, premièrement parce que les décisions
qui y sont prises ont des chances d’être avalisées
par le spectateur impartial et deuxièmement
parce qu’elle érige chaque citoyen en source du
droit, reconnaissant ainsi la valeur du principe de l’égale
dignité de tous. Bonne en raison des effets
qu’elle a des chances de produire, elle l’est aussi
du point de vue des principes sur lesquels elle repose. Pour
parler comme Weber, elle est bonne à la fois du point
de vue de la rationalité instrumentale et de
celui de la rationalité axiologique.
Reste à préciser la nature du bon sens
qui inspire le spectateur impartial. Sur quelle base
juge-t-il une décision ou une institution bonne ou
mauvaise dans les cas où par hypothèse il n’est
pas animé par ses passions et ses intérêts
et où il est suffisamment armé pour se forger
une opinion ? Réponse : sa conviction s’impose
à lui parce qu’elle lui apparaît comme fondée
sur un système de raisons convaincantes.
En un mot, la notion du spectateur impartial implique
que, dans une démocratie représentative, le
pouvoir appartient bien au peuple, puisque l’opinion
publique y joue sur le moyen et le long terme un rôle
crucial dans la sélection des idées, des mesures
ou des institutions nouvelles qui lui sont proposées
et que sur bien des sujets elle a la capacité de faire
preuve de bon sens.
Il faut ajouter que le spectateur impartial est bien un spectateur
et non un acteur, au sens où ce n’est pas
lui qui crée les argumentaires en faveur de telle idée
ou de telle décision politique. Mais il peut arbitrer
entre les idées proposées par les acteurs politiques,
notamment par les partis politiques, mais aussi par les autres
types d’acteurs.
Cet arbitrage de l’opinion ne peut toutefois prendre
corps que s’il existe un marché des idées
actif et concurrentiel, ou, pour passer du langage économique
au langage politique, s’il y a une réelle séparation
des pouvoirs. Non seulement des trois pouvoirs évoqués
par Montesquieu, les pouvoirs exécutif, législatif
et judiciaire, mais de tous les pouvoirs : le pouvoir
social que Tocqueville évoque à longueur de
page dans sa seconde Démocratie en Amérique,
le pouvoir bureaucratique dont Max Weber a analysé
les rouages, mais aussi tous les autres pouvoirs : pouvoirs
économique, consultatif, intellectuel, médiatique
et autres. Dès lors que les détenteurs de ces
divers pouvoirs jouissent d’une réelle capacité
d’émettre librement leurs propositions et d’être
entendus, la voix du spectateur impartial se fait plus forte.
Les deux thèmes majeurs de la théorie politique
de Montesquieu, d’une part, et d’Adam Smith de l’autre
se confortent donc puissamment l’un l’autre.
Reste que le grand économiste, sociologue et homme
d’Etat autrichien Joseph Schumpeter a opposé une
objection sérieuse à la théorie libérale
de la démocratie développée par les philosophes
des Lumières et par leurs successeurs (1).
Il voyait les sociétés comme devant faire face
à des questions de plus en plus complexes et redoutait
une incompétence croissante du citoyen dès lors
qu’une question s’éloigne davantage de son
expérience immédiate. L’objection est certes
fondée et j’examinerai dans un instant la portée
qu’il faut lui donner.
Un exemple didactique
Un exemple tiré d’Adam Smith
lui-même a l’avantage d’illustrer de façon
parlante l’intérêt de sa théorie
du spectateur impartial (2).
Dans sa Richesse des nations, il se demande pourquoi
on observe de son temps un consensus indéniable sur
toutes sortes de sujets de caractère moral. Pourquoi,
pour prendre un exemple concret, les Anglais de la fin du
XVIIIe siècle considèrent-ils comme une évidence
morale que les mineurs doivent être davantage payés
que les soldats ?
Réponse d’Adam Smith : la plupart des Anglais,
n’étant ni mineurs ni soldats, ne sont pas directement
concernés par le sujet. Ils sont donc dans la position
du spectateur impartial. La question ne suppose pas
d’autre part de compétence spéciale. Leur
sentiment est donc fondé sur le bon sens, c'est-à-dire
sur un système de raisons qui, parce qu’elles
sont valides, tendent à être partagées.
Ce système de raisons est le suivant : tout salaire
est la rémunération d’un service rendu.
A service équivalent, les salaires doivent être
équivalents. Dans la composition de la valeur d’un
service rentrent divers éléments : notamment
la durée d’apprentissage qu’il implique et
les risques auxquels il expose celui qui le rend. Dans le
cas du mineur et du soldat, les durées d’apprentissage
sont comparables et, dans les deux cas, l’individu encourt
de sérieux risques pour sa vie.
Mais, si elles se ressemblent par ces traits, les deux activités
en question se distinguent par d’autres. Le soldat garantit
l’indépendance nationale, tandis que le mineur
exerce une activité de production de biens matériels
qu’on peut aussi importer. En outre, la mort du mineur
est perçue comme un accident. Celle du soldat
comme un sacrifice.
C’est pourquoi seul le dernier est habilité à
recevoir la gloire et les symboles de reconnaissance qui sont
dus à celui qui met sa vie en jeu pour le bénéfice
de la collectivité.
Ne pouvant recevoir les mêmes marques symboliques de
reconnaissance et accomplissant un travail aussi pénible,
aussi risqué et d’un niveau de qualification comparable,
le mineur doit donc recevoir en espèces sonnantes les
récompenses qu’il ne peut recevoir en gloire,
si l’on veut que l’égalité entre contributions
et rétributions soit assurée. Cela explique
le fort consensus des Anglais de la fin du XVIIIe siècle
sur l’idée que le mineur doit être
mieux payé que le soldat.
C’est aussi sous l’effet de raisons fortes que l’opinion
n’est pas choquée, explique Adam Smith, que l’exécuteur
public reçoive un bon salaire : sa qualification
est minime et il est — Dieu merci ! — fortement
sous employé, mais il exerce « le plus répugnant
de tous les métiers ».
La volonté générale
Plusieurs auteurs classiques et modernes
ont développée de leur côté, je
l’ai dit, chacun avec ses mots à lui, des idées
analogues à celles d’Adam Smith. Je me bornerai
à évoquer rapidement sur ce point deux autres
grands noms. Celui de Rousseau d’abord. Sa thèse
selon laquelle la volonté générale
est toujours droite ne dit pas autre chose que la notion du
spectateur impartial : elle postule en effet que,
sur les sujets qui ne mettent pas en jeu les passions et les
intérêts d’un individu, celui-ci a tendance
à juger une institution, une mesure ou un état
de choses comme bons — ou mauvais — s’il existe
des raisons valides d’en juger ainsi.
Cela dit, dans la pratique, les passions et les intérêts
des uns et des autres interfèrent avec leur bon sens,
de sorte que la volonté exprimée par les citoyens
en chair et en os, la volonté de tous, peut
s’écarter de la volonté générale,
deux notions que Rousseau distingue soigneusement. La volonté
de tous, c’est en effet l’opinion composite
qui, sur un sujet donné, résulte de l’addition
des jugements de ceux que le sujet concerne — et qui
y répondent à la lumière de leurs passions
et de leurs intérêts — et de ceux que le
sujet ne concerne pas personnellement — et qui y répondent
à l’aide de leur bon sens.
La fiction du voile de l’ignorance développée
par l’Américain John Rawls (3),
le théoricien de la politique sans doute le plus important
et le plus influent de la seconde moitié du XXe siècle,
décalque, elle aussi, à peu près littéralement
la notion du spectateur impartial. En effet, elle met
en scène un citoyen supposé ignorant de ses
passions et de ses intérêts à qui il est
demandé d’apprécier les institutions de
la Cité, ce qui permet de juger de leur validité.
Le spectateur impartial comme mètre étalon
Le modèle du spectateur impartial
est-il réaliste ? On peut asseoir la réponse
positive à cette question sur une preuve par l’absurde.
En effet, s’il devait être tenu pour purement spéculatif,
il faudrait en conclure que la démocratie représentative
est dépourvue de fondement solide et l’on comprendrait
mal sa diffusion et son succès. On devrait en outre
renoncer à expliquer les innombrables phénomènes
de consensus qui se sont développés au cours
du temps sur bien des sujets dans les sociétés
démocratiques, ainsi que les phénomènes
tendanciels qu’on y observe en matière morale,
politique et sociale. Je ne peux m’étendre sur
ce point ici, mais tous les grands noms de la sociologie,
qu’il s’agisse de Tocqueville, de Durkheim ou de
Max Weber, ont en commun d’avoir montré que ces
phénomènes sont incompréhensibles si
l’on fait abstraction du rôle joué par l’acteur
politique anonyme qu’est l’opinion publique.
Mais des données plus proches de nous peuvent être
évoquées pour la défense du modèle
du spectateur impartial.
Le cas Polanski
D’innombrables exemples révèlent
en effet que le modèle du spectateur impartial est
indispensable pour déchiffrer aussi bien les réactions
spontanées du public à des faits divers que
ses opinions sur les sujets politiques les plus variés,
telles qu’elles s’expriment notamment à travers
ses réponses aux enquêtes par sondage. Je me
contenterai de trois exemples entre bien d’autres possibles
pour illustrer ce point.
Le premier a trait aux réactions du public face
à un fait divers. Naguère, un cinéaste
célèbre a été appréhendé
par la police helvétique parce qu’il avait à
répondre d’un crime ancien devant la justice américaine.
Plusieurs artistes, intellectuels et politiques français
protestèrent alors vigoureusement contre cette arrestation,
arguant que le crime remontait à plusieurs décennies,
qu’on n’arrête pas un artiste de notoriété
internationale et que la victime avait retiré sa plainte.
Dans un entretien retransmis par une chaine de radio nationale (4)
suite à la décision des autorités helvétiques
de placer le cinéaste en résidence surveillée,
le plus médiatique des intellectuels français
déclarait que l’arrestation du cinéaste
représentait un scandale moral (sic).
Comme le révèlent les enquêtes, l’opinion
a fortement désapprouvé cet argumentaire. Car,
par contraste avec les représentants des milieux culturels,
le citoyen quelconque se trouvait dans la position du spectateur
impartial : il n’était pas personnellement
concerné. Or les raisons mises en avant par les partisans
du cinéaste lui parurent indéfendables, car
il était facile de leur opposer des raisons à
l’évidence plus fortes comme : ce n’est
pas parce qu’on est célèbre qu’on
n’a pas à répondre d’un crime ;
ni la Suisse ni les Etats-Unis ne sont des Etats policiers ;
la plainte avait certes été retirée
par la victime, mais cela n’efface pas un crime ;
le crime était ancien : certes, mais c’est
le pays où un crime a été commis qui
juge des conditions de sa prescription.
Je ne m’intéresse évidemment en aucune
façon ici à trancher sur le fond entre les deux
points de vue auxquels a donné naissance cette affaire
compliquée, fertile en rebondissements et non dépourvue
de zones d’ombre, mais seulement à souligner le
contraste entre le point de vue particulariste d’une
partie des milieux culturels et politiques et le point de
vue universaliste de l’opinion publique.
Cet épisode me paraît bien illustrer le modèle
du spectateur impartial. De plus, il soulève incidemment
une délicate question de sociologie comparative :
si l’on en croit la presse étrangère, les
milieux culturels et politiques n’ont pas du tout réagi
de la même façon dans les démocraties
voisines. Or la nationalité franco-polonaise du cinéaste
ne suffit pas à rendre compte de cette différence.
Il faut y voir plutôt, semble-t-il, une manifestation
de l’influence sur les milieux politiques français
d’une mince élite médiatico-culturelle,
influence qui ne semble pas avoir de strict équivalent
dans les démocraties voisines. Pourquoi ? Je reviendrai
sur cette question dans un instant.
Le procès du sang contaminé
Mon deuxième exemple a trait
à l’épisode du procès du sang contaminé.
Il est ancien, mais fournit une autre illustration parlante
du modèle du spectateur impartial. Les sondages qui
ont été effectués à cette époque
ont en effet révélé : 1) que les
doutes du public à l’égard de la Cour de
Justice de la République, de sa légitimité
et de son équité présumée, étaient
largement majoritaires dans le public, 2) que ces doutes apparaissaient
comme également affirmés chez les sympathisants
de tous les partis, de l’extrême droite
à l’extrême gauche, 3) que la réaction
du public se présenta comme forte, négative
et indépendante des sympathies politiques parce qu’elle
était fondée sur des raisons fortes comme :
pourquoi le politique doit-il être traité différemment
du médecin ou du chef d’entreprise dès
lors qu’il est soupçonné d’avoir commis
une faute dans l’exercice de ses fonctions ? Pourquoi
la Cour devrait-elle être composée pour partie
des collègues des personnes mises en examen ?
Pourquoi les parties civiles devraient-elles être absentes
des débats ?
Equité et égalité
Mon troisième exemple a trait
aux exigences du public en matière d’égalité,
telles qu’on peut les observer à la lumière
des nombreuses enquêtes portant sur la question. Cet
exemple illustre bien lui aussi, je crois, l’intérêt
du modèle du spectateur impartial.
Un poncif favori des commentateurs et des politiques veut
que le public français soit dévoré par
la passion de l’égalité. Or, lorsqu’on
consulte les enquêtes sur ce sujet, on constate que,
loin de faire preuve d’un irrépressible égalitarisme,
le public français ne confond pas davantage que ses
voisins l’égalité et l’équité.
Il ne considère au contraire comme inéquitables
que certains types bien particuliers d’inégalités.
Et il ressort de ces enquêtes que les sentiments de
justice ou d’injustice qu’il éprouve face
à telle ou telle forme d’inégalités
lui sont inspirés par des raisons ayant de bonnes chances
d’être avalisées par le spectateur impartial.
Ainsi, le public français ne perçoit pas comme
injustes les inégalités qui reflètent
des différences de mérite. Les enquêtes
ne signalent pas non plus que les gains astronomiques de la
diva, du joueur de football ou du rocker ayant accédé
à une gloire planétaire éveillent un
sentiment d’injustice dans le public. Leurs gains lui
paraissent extravagants plutôt qu’injustes,
probablement parce qu’il ne perçoit pas comme
injustes les inégalités qui résultent
en dernier ressort du libre choix des individus.
Le public ne considère pas non plus comme injustes
les inégalités correspondant à des contributions
incommensurables : on peut comparer celle du soldat et
du mineur, moins facilement celles du boutiquier et de l’huissier
de justice par exemple.
Le public ne considère pas non plus comme injustes
les inégalités dont on ne peut déterminer
jusqu’à quel point elles sont justifiées.
Or la distribution globale des revenus mêle des inégalités
d’origine diverse en des proportions inconnues. C’est
pourquoi on observe que les inégalités globales
sont objet de dénonciations récurrentes plutôt
de la part des groupes d’influence intellectuels, médiatiques
et politiques que de la part du public, sauf lorsqu’elles
sont trop criantes pour pouvoir être tenues de façon
plausible pour justifiées.
Le public perçoit en revanche comme injustes toutes
les inégalités en lesquelles il voit des privilèges,
comme les parachutes dorés octroyés à
des responsables qui ont mené leur entreprise au bord
du gouffre, les privilèges en matière de retraite
de certaines catégories sociales ou les gâteries
petites et moins petites que s’accordent certains responsables,
sans que la contrepartie du point de vue de l’intérêt
général en soit facilement identifiable.
Le poncif selon lequel la justice sociale se confondrait dans
l’esprit du public avec l’égalitarisme et
serait un trait dominant des sociétés modernes
et particulièrement de la société française
ne correspond donc en aucune façon à la réalité :
il s’agit en l’occurrence d’un véritable
mythe. Mais d’un mythe qui exerce une influence profonde
sur la vie politique française.
Un seul exemple pour étayer ce dernier point. Comment
expliquer que la France soit la seule démocratie à
conserver un impôt qu’un économiste de renom
a qualifié d’imbécile, l’impôt
sur la fortune ? Comment expliquer qu’un gouvernement
ait cru devoir en neutraliser les effets pervers en construisant,
comme on dit, une usine à gaz, celle du bouclier
fiscal, laquelle devait surtout offrir à l’opposition
une objection de favoritisme à l’égard
des riches indéfiniment reprise en boucle ? On
peut expliquer cette prudence contreproductive des dirigeants
politiques français par le fait qu’ils n’ont
pas compris que le tollé qui avait accompagné
la suppression dudit impôt sous un gouvernement précédent
ne résultait pas d’un prétendu égalitarisme
des Français. Il traduisait bien davantage la réaction
de certains groupes d’influence médiatiques, intellectuels
et politiques qu’une exigence du spectateur impartial.
L’opinion publique aurait en effet sans doute facilement
admis qu’il est absurde de conserver un impôt dont
la fonction est à l’évidence plus idéologique
et symbolique qu’économique.
Ce cas a l’intérêt de retrouver une question
sociologique essentielle que j’ai déjà
soulevée, celle de savoir pourquoi les milieux politiques
français confondent si facilement l’opinion des
groupes d’influence avec l’opinion publique et pourquoi
ils accordent davantage d’attention aux premiers.
Quand la volonté de tous n’est pas la volonté
générale
Auparavant, je reviendrai sur l’objection
de Schumpeter selon laquelle la théorie du spectateur
impartial produirait une vision trop optimiste de la vie démocratique.
Car il existe bien sûr des cas où la volonté
générale et la volonté de tous
ne coïncident pas : où il est peu vraisemblable
en d’autres termes, que l’opinion soit en majorité
le fait de spectateurs impartiaux. Je recourrai de nouveau
à des exemples — plus précisément
à deux exemples — pour illustrer cet autre point
et examiner le poids qu’il faut accorder à l’objection
de Schumpeter.
Mon premier exemple concerne la célèbre
loi des trente-cinq heures. Les premiers sondages se sont
révélés favorables à la loi parce
qu’une majorité de gens y voyait des avantages
immédiats. Ils se trouvaient donc dans la position,
non du spectateur impartial, mais de l’acteur
partial. Ils interprétèrent la loi sur les
trente-cinq heures comme leur permettant de travailler moins
tout en gagnant autant. La plupart des salariés n’allèrent
pas au delà, car une attitude plus distanciée
supposait une compétence qu’ils n’avaient
pas. On a ici une belle illustration de l’effet Schumpeter.
Mais il est important de remarquer que, après un temps,
les sondages indiquèrent que le public percevait clairement
les inconvénients de la loi.
Mon second exemple est tiré des réponses
recueillies par une grande enquête internationale datant
d’une vingtaine d’années, unique en son genre
par sa dimension internationale, et qui nous permet de considérer
la question de l’effet Schumpeter avec un certain
recul. Certaines questions de cette enquête portaient
sur des sujets de politique économique. Les réponses
à l’une de ces questions montrent que bien des
gens croyaient encore à l’époque que l’abaissement
de l’âge de la retraite constitue une mesure efficace
de lutte contre le chômage. Interrogés sur la
question de savoir si Quand l’emploi est rare, les
gens devraient être forcés à prendre leur
retraite tôt, 50 % des Français se déclarèrent
à l’époque d’accord (5).
Leur réponse leur avait été dictée
par l’idée que, si l’on exclut certains convives
du gâteau de l’emploi, de nouveaux convives peuvent
être servis. Ils ne virent pas que la taille dudit gâteau
n’est pas fixe et que, en raison de leurs différences
de compétence, les individus ne sont pas interchangeables.
Leur réponse leur était donc inspirée
par des raisons douteuses : une autre illustration parlante
de l’effet Schumpeter.
Mais la même enquête fit surtout apparaître
que la maîtrise de la complexité des mécanismes
économiques par le public était très
variable selon les pays. 50 % des Français, je
l’ai dit, et aussi 50 % des Allemands se sont déclarés
d’accord pour lutter contre le chômage en avançant
l’âge de la retraite. En revanche, 16 % seulement
des Américains et 9 % seulement des Suédois
ont donné la mauvaise réponse. On observa de
surcroît que les mauvaises réponses étaient
dans tous les pays d’autant moins fréquentes que
le niveau d’instruction des répondants était
plus élevé.
D’où l’on conclut que, même lorsqu’un
sujet est complexe, les effets redoutés par Schumpeter
devraient tendre à s’atténuer grâce
à l’élévation générale
du niveau d’instruction, à la pédagogie
du débat public, au développement des techniques
d’information et de communication, et, last but not
least, à une amélioration des enseignements
relatifs aux phénomènes économiques et
sociaux.
Bref, la volonté de tous peut certes s’éloigner
de la volonté générale, mais ces divers
facteurs tendent sans doute à rendre l’effet
Schumpeter moins redoutable aujourd’hui que de son
temps.
La tyrannie de la majorité
Je reviens maintenant à la question
sociologique cruciale que soulèvent plusieurs des exemples
que j’ai évoqués : pourquoi le monde
politique français paraît-il souvent plus attentif
aux opinions et aux desiderata des groupes d’influence
qu’à l’opinion publique ? Cette observation
conduit à réexaminer la célèbre
thèse tocquevillienne de la tyrannie de la majorité.
Elle est couramment reprise aujourd’hui, en des termes
nouveaux. Ainsi, un éditorialiste en vue a proclamé
naguère que la démocratie moderne tendait à
virer à la doxocratie, voulant dire par là
que la vie politique française lui semble désormais
corrompue en profondeur par l’influence des sondages.
Il faut rappeler par parenthèse à ce propos
que les démocraties modernes se sont préoccupées
dès les débuts de prendre en compte les états
de l’opinion dans les intervalles entre les élections.
Ce souci est à l’origine des votes de paille —
des straw votes — mis en place au XIXe siècle
par les partis politiques américains. Ils ont été
relayés au XXe par les sondages, qui ont été
implantés en France dès 1938 par l’un de
nos confrères visionnaires, Jean Stœtzel, et l’on
sait l’importance qu’ils ont prise dans les démocraties
contemporaines.
Certes, les sondages ont souvent mauvaise presse. Mais celle-ci
n’est l’effet ni d’un défaut de validité
des sondages ni de l’influence prétendument pernicieuse
qu’ils exerceraient sur la vie démocratique. Elle
est en réalité le fait des utilisateurs bien
davantage que des producteurs de sondages et provient surtout
de ce que le niveau de médiatisation des sondages dépend
de leurs résultats. D’où l’impression
qu’ils recouvrent une tentative de manipulation de l’opinion
par le monde politico-médiatique.
La tyrannie des minorités actives
Ce qui menace les démocraties et
la démocratie française plus que d’autres,
c’est en fait la tyrannie des minorités
plutôt que la tyrannie de la majorité. Pourquoi ?
Les sciences sociales me semblent, ici encore, avoir proposé
une réponse solide à cette question.
Les sociologues ont toujours été attentifs à
l’existence des groupes d’influence, mais, loin
d’y voir une menace, ils leur ont parfois attribué
un rôle surtout positif. Tocqueville voyait dans
les associations, comme on sait, un correctif à la
menace de tyrannie de la majorité. Elles représentaient
pour lui un équivalent dans les sociétés
démocratiques des corps intermédiaires des sociétés
aristocratiques. Durkheim estimait, lui, que, en raison du
caractère contradictoire de leurs intérêts,
les groupes d’influence sont condamnés au compromis.
Il en tira la conclusion que le monde des groupes d’intérêt
méritait d’être représenté
en tant que tel et évoqua la création d’organes
représentatifs des intérêts corporatistes
qui viendraient contrebalancer la représentation parlementaire.
Ces idées exercèrent une grande influence en
Europe au début du XXe siècle et elles ont provoqué
la création ici ou là d’institutions représentatives
du monde des groupes d’intérêt. Le Conseil
économique et social français (6)
est par exemple une émanation de cette idée.
Plus généralement : on considère à
bon droit comme allant de soi que le politique doive tenir
compte des intérêts et des idées des groupes
d’influence. La théorie politique contemporaine
a même adopté à ce propos une catégorie
nouvelle : celle de la démocratie délibérative.
Mais pas davantage que la démocratie participative,
la démocratie délibérative ne saurait
à mon sens être sérieusement tenue pour
une forme supérieure de démocratie.
La raison en est dans le fait sur lequel un élève
de Max Weber, Roberto Michels, a justement attiré l’attention,
à savoir le rôle négatif que les groupes
d’influence peuvent jouer dans les démocraties,
à côté de leur rôle positif. Il
a baptisé loi d’airain de l’oligarchie
la tendance des gouvernements des nations démocratiques
à suivre l’opinion des groupes d’influence
plutôt que l’opinion publique et confirmé
l’existence de ce phénomène par un ensemble
d’observations empruntées aux scènes allemande
et italienne dans les premières décennies du
XXe siècle. Mais les politologues devaient montrer
ultérieurement que les observations de Roberto Michels
avaient une portée générale. En dépit
de tous ses efforts, il n’a toutefois pas réussi
à expliquer de façon véritablement satisfaisante
les raisons d’être de sa loi d’airain de
l’oligarchie.
C’est à un grand économiste et sociologue
américain de notre temps, Mancur Olson, qu’il
revenait d’identifier le mécanisme fondamental
qui en est responsable. Il a démontré que, lorsqu’un
petit groupe organisé cherche à imposer
ses intérêts ou ses idées à un
grand groupe non organisé, il a de bonnes chances d’y
parvenir. En effet, les membres du grand groupe, étant
non organisés, ont alors tendance à espérer
qu’il se trouvera bien des candidats désireux
d’organiser la résistance au petit groupe organisé,
et prêts à assumer les coûts que cela comporte.
Chacun espère en d’autres termes pouvoir tirer
bénéfice d’une action collective qu’il
appelle de ses vœux, mais répugne à en
assumer les coûts. Comme la plupart tendent à
se tenir le même raisonnement, il arrivera bien souvent
que le petit groupe organisé ne rencontre guère
de résistance et que par suite ils se trouve dans la
position de pouvoir imposer ses intérêts et ses
idées au grand groupe non organisé, en d’autres
termes : au public. Il en résulte un effet que
Olson a plaisamment qualifié d’effet d’exploitation
du gros par le petit et qu’on peut qualifier simplement
d’effet Olson, en hommage à la mémoire
de son inventeur.
La sociologie spontanée a en fait repéré
depuis longtemps, sinon les rouages, du moins l’existence
de ce mécanisme sociologique et créé
une notion imagée pour le désigner : celle
de la majorité silencieuse. Ce mécanisme
explique que bien des gouvernements se montrent sensibles
aux exigences des groupes d’influence et imposent dans
bien des cas au public des vues que celui-ci ne partage pas.
Il explique la loi d’airain de l’oligarchie
qui frappe les démocraties : il explique en d’autres
termes le pouvoir des lobbys dans la vie démocratique.
Sans doute les idées et les intérêts de
ces groupes peuvent-ils selon les cas et les conjonctures
converger avec l’intérêt général.
Mais ils peuvent aussi en diverger. Or la loi d’airain
de l’oligarchie tend à conférer un
pouvoir indistinctement à tous les lobbys, que
les intérêts et les idées de ces lobbys
convergent avec l’intérêt général
ou non.
Mais ce qu’il importe surtout de relever, c’est
que le mécanisme en question se trouve doté
d’un formidable surcroît de puissance dans un pays
centralisé, où l’exécutif jouit
d’un pouvoir dominant. Car, dans ce type de configuration,
la vie politique tend à être surtout ponctuée
par un face-à-face entre l’exécutif et
les groupes d’influence. L’effet Olson permet ainsi
d’expliquer une autre thèse célèbre
de Tocqueville, irrécusable celle-la : celle selon
laquelle un pouvoir démocratique concentré est
certes fort en apparence, mais nécessairement faible
en réalité. A quoi l’on peut ajouter a
contrario qu’un pouvoir concentré ne peut
être fort qu’à condition de ne pas être
démocratique, comme paraissent l’avoir bien compris,
entre autres, les dirigeants de la Chine contemporaine et
d’autres régimes autoritaires de notre temps.
En raison de la concentration du pouvoir politique qui la
caractérise et qui résulte de son histoire,
la France est donc plus exposée que les démocraties
voisines à l’effet Olson. Réciproquement,
cet effet est dans une certaine mesure neutralisé lorsque
le pouvoir politique est davantage partagé, notamment
entre l’exécutif et le législatif. On retrouve
ici un résultat déjà énoncé,
à savoir que la séparation des pouvoirs amplifie
le rôle du spectateur impartial et tend ainsi à
redonner du pouvoir au peuple. Une fois de plus, Montesquieu
et Adam Smith se tendent la main.
L’importance prise en France par le mécanisme
identifié par Olson explique toutes sortes de faits.
Elle explique par exemple le caractère sacrosaint de
la notion de dialogue social, l’une de ces notions
dont le sociologue observe facilement que sa traduction littérale
dans des langues voisines, en anglais ou en allemand par exemple,
ne dit à peu près rien à un anglophone
ou à un germanophone. Elle explique les insuffisances
chroniques de certaines politiques publiques, comme les politiques
d’éducation. Elles sont dues à ce que ces
politiques ont été élaborées depuis
de longues décennies à partir de compromis passés
entre le pouvoir politique et divers groupes d’influence,
des syndicats d’enseignants ou d’étudiants
aux experts en sciences de l’éducation. Or ces
groupes d’influence comportent une forte proportion d’acteurs
partiaux. La même analyse pourrait, je crois, être
conduite à propos de bien d’autres aspects de
la vie politique française.
L’exception française du pouvoir de la rue,
une autre expression dont la traduction littérale en
anglais ou en allemand est dépourvue de signification
pour un anglophone ou un germanophone, s’explique aussi
par la raison que la structure du pouvoir politique est davantage
dominée par le couple formé par l’exécutif
et les divers groupes d’influence chez nous que chez
nos voisins. Selon la constitution non écrite à
laquelle souscrivent les tenants du pouvoir de la rue,
une participation de l’ordre de 10 % doit être
tenue comme exprimant la volonté du Peuple.
Le mécanisme identifié par Olson rend également
compte de données relevant de l’idéologie,
comme le fait que le marxisme ait exercé en France
une influence nettement plus durable qu’ailleurs, et
généralement que de puissants lobbys y soient
capables de définir le politiquement, le moralement,
voire l’historiquement correct. Toutes ces données
s’expliquent parce que l’influence de groupes d’acteurs
partiaux tend à dominer l’influence du spectateur
impartial : celle en d’autres termes de l’opinion
publique.
Ainsi, contre l’idée reçue qui tend à
imputer le politiquement correct à la tyrannie
de la majorité, il résulte en réalité
plutôt de la tyrannie des minorités. On le vérifie
à ce que, sur bien des sujets, le politiquement
correct heurte en réalité l’opinion.
Car il est le fait davantage de minorités actives et
de groupes d’influence que de l’opinion elle-même.
Améliorer la démocratie représentative
Il n’y a donc pas lieu pour conclure
de chercher à substituer à la démocratie
représentative des formes de démocratie supposées
supérieures — démocrate délibérative
ou démocratie participative — et de renoncer
au principe de la souveraineté du peuple. Ce n’est
pas seulement en théorie mais dans la pratique que
l’opinion publique joue un rôle fondamental et
largement positif dans la vie politique. Toutes les irréversibilités
qu’on observe en matière institutionnelle et morale
dans les sociétés démocratiques sont
une coproduction du politique et du spectateur impartial :
du politique et de l’opinion.
Mais, s’il n’y a pas lieu de rechercher une forme
de démocratie supérieure à la démocratie
représentative, on peut chercher à l’améliorer.
La médecine la plus efficace contre la tyrannie des
groupes d’influence consiste en une application exigeante
des principes fondamentaux du libéralisme politique :
notamment le principe de la séparation des pouvoirs.
C’est en particulier seulement si le citoyen a le sentiment
que le Parlement compte réellement que celui-ci peut
atténuer l’influence des minorités actives.
Une belle étude comparative du politologue anglo-norvégien
Stein Ringen attribue à la France une note sur une
échelle d’achèvement de la démocratie
inférieure à celle de plusieurs de nos voisins (7).
Cela est à mettre en relation avec le fait que le Bundestag,
les Communes ou le Storting sont l’objet
d’un respect réel de la part du citoyen, ce respect
étant dû lui-même à un partage équilibré
du pouvoir entre le législatif et l’exécutif,
et non, comme on le croit trop souvent, à l’action
de données culturelles. Ce disant, je songe particulièrement
au poncif indéfiniment décliné par les
médias selon lequel il faudrait se résigner
à accepter les différences entre la démocratie
française et ses voisines, sous prétexte qu’elles
émaneraient toutes peu ou prou du contraste entre tradition
catholique et tradition protestante.
D’autres facteurs peuvent contribuer dans l’avenir
à affaiblir l’influence des minorités actives.
Ainsi, grâce à Internet, l’individu qui
se sent opprimé par le politiquement correct
peut facilement, d’un point de vue technique du moins,
mettre en œuvre son droit fondamental d’expression.
Généralement, en raison de son influence déflationniste
sur les coûts de l’organisation de l’action
collective, Internet peut atténuer le poids de l’effet
Olson. On observe qu’en Allemagne, le nombre des
référendums locaux d’initiative populaire
a connu une véritable flambée en une dizaine
d’années, sous l’effet sans doute de la diffusion
d’Internet.
On peut aussi espérer — mais j’ai conscience
de me livrer ici à une sorte d’acte de foi —
que l’évolution à long terme de la construction
européenne rapprochera la communauté européenne
du modèle de la démocratie représentative
et revigorera ce modèle chez chacun de ses Etats-membres.
En tout cas, on n’atténuera le scepticisme latent
du public et notamment des jeunes Français sur la politique
dont témoignent les enquêtes (8)
que si l’on retrouve les repères intellectuels
que représentent les principes fondamentaux de la théorie
libérale de la démocratie, tels qu’ils
ont été exprimés par les plus grands,
Montesquieu, Adam Smith, Tocqueville et les autres.
Malheureusement, une autre exception française, le
pouvoir attribué par le monde politique français
à la com, une notion qui intronise une redoutable
confusion entre persuader et convaincre et dont
on observe qu’elle est, elle aussi, sans réel
équivalent en anglais ou en allemand, jette des doutes
sur la considération qu’il accorde au spectateur
impartial, puisque cette notion — la com —
est porteuse d’une représentation aussi méprisante
qu’erronée du citoyen, représentation selon
laquelle celui-ci serait manipulable à merci.
Notes
(1) Schumpeter J.
[1942], Capitalisme, socialisme et démocratie,
Paris, Payot, 1990
(2) Smith A. [1793], An inquiry
into the nature and causes of the wealth of nations, 7th
ed., Londres, Strahan & Cadell, 1976, Ch 10.
(3) Rawls J. [1971],
A Theory of justice, Cambridge, Harvard University
Press. Théorie de la justice, Paris, Seuil,
1987.
(4) France-Inter,
28 novembre 2009.
(5) R. Inglehart
et al., Human Values and Beliefs, Ann Arbor, U. of
Michigan Press, 1998.
(6) Aujourd’hui
rebaptisé Conseil économique, social et environnemental.
(7) S. Ringen, What
democracy is for, Princeton, Princeton U. Press, 2007.
(8) O. Galland,
Les jeunes, Paris, La Découverte, 2002.
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